
Sécurité dans Les Grands Lacs : Donald Trump et Denis Sassou N’Guesso affirment leur volonté commune face aux défis sécuritaires, économiques et politiques de la Sous-région
Par Driss SENDA, analyste – chercheur, revue Intelligence Géostratégique
Au-delà du contexte sous régional bouleversé et qui pourrait connaître une guerre généralisée aux conséquences incalculables, à cause du conflit entre RDC et la milice M23 appuyé semble-t-il par le Rwanda, les échanges entre l’émissaire de Donald Trump, M. Lance Gooden et le Président Denis Sassou N’Guesso du Congo Brazzaville apparaissent comme une opportunité majeure pour renforcer la cohésion et rétablir la paix au sein des pays des Grands Lacs.
L’incertitude chronique qui entoure les politiques de coopération entre les pays de cette sous-région, la persistance des menaces liées à la présence des milices entre les frontières d’Ouganda, du Burundi et particulièrement celles de la RDC et le Rwanda, se constituent en épiphénomènes qui rendent plus pressante la nécessité de créer les conditions permissives d’une paix durable. Autrement dit, le conflit entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, via la milice M23, pose déjà en filigrane, la question de la souveraineté des États, celle de la RDC en particulier. Si le philosophe français Jean Bodin, en 1576, théorisait remarquablement que la « souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République », la souveraineté de la République Démocratique du Congo se doit d’être l’affirmation d’une légitimité propre qu’on ne saurait subordonner à une quelconque autorité. Par conséquent, cette souveraineté que charrient de nombreux outils juridiques relevant du droit international sublime la volonté du peuple congolais de jouir de son territoire de 2,6 millions km2 de superficie. En ce sens, la souveraineté de la RDC est aussi à comprendre comme la volonté générale de ses 100 millions d’habitants à jouir d’une puissance absolue, l’Etat congolais, en ceci qu’il ne saurait être dépendant d’une idéologie d’un pays tiers comme le Rwanda, moins encore d’une milice comme le M23. En d’autres termes, la RDC est un État souverain qui, pour jouir de sa souveraineté, ne peut être morcelée en différentes parties qui se neutralisent, selon l’idéologie des milices, particulièrement celle du M23 qui occupe actuellement une bonne partie du territoire congolais, à l’Est. D’où, il faut le rappeler, la souveraineté du peuple congolais se doit d’être perpétuelle et inhérente à la survie de l’Etat congolais (RDC). Dans ce pays dirigé par Felix Tshisekedi depuis janvier 2019 et qui fait partie de la sous-région des Grands Lacs que composent le Burundi, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda, l’on note la prédominance d’une conscience tribale ethnique sur la conscience nationale et la politisation des armées et des forces de sécurité. La conséquence d’une telle situation est la création récurrente de nouvelles formes de violences caractérisées par la compétition des Seigneurs de guerre et l’exploitation illégale des ressources naturelles par les multinationales étrangères. Une situation qui engendre malheureusement l’inféodation et parfois la militarisation des pouvoirs locaux et la facile circulation des armes de guerre, source de l’insécurité. C’est dans cette perspective que les présidents américain Donald Trump et congolais Denis Sassou N’Guesso veulent affirmer une position commune face aux défis sécuritaires qui fragilisent la paix et entraînent de nombreux morts et des déplacements massifs des populations de la province de Kivu, en RDC, riche en minerais rares. La milice M23 et les Forces armées congolaises ( FARDC) s’y livrent une guerre sans merci, a reconnu Lance Gooden dépêché à Brazzaville par un Donald Trump préoccupé par l’aggravation de la crise à l’Est de la RDC.
Stabilisée et avec des politiques ambitieuses de développement, la RDC qui détient 80% du coltan de la planète terre peut devenir un moteur stratégique pour l’Afrique. Ses nombreux minerais rares (coltan, or, diamant, uranium, cobalt, cuivre, etc…) la placent au sommet de la pyramide de grands pays producteurs. Sauver ce pays devient un impératif majeur surtout pour certains grands dirigeants africains qui marchent sur les pas des Pères des indépendances qui voulaient d’une Afrique conquérante et forte économiquement. Une Afrique qui ne s’enlise point dans des guerres intestines qui ne profitent en rien à son milliard d’habitants, alors qu’elle peut se développer autrement. Ses minerais rares représentent 35% des réserves mondiales. Parmi ces dirigeants africains s’illustre donc Denis Sassou N’Guesso qui estime « qu’il est impératif de taire les armes et exploiter les vertus du dialogue et de la paix » partout en Afrique. « Vous savez que le président Donald Trump est un partisan de la paix, et il est préoccupé de la même manière que le président de la République du Congo, M. Denis Sassou N’Guesso, ‘’ Homme de paix ‘’, par ce qui se passe dans la région des Grands Lacs », a déclaré Lance Gooden, avant de reconnaître le leadership régional de Denis Sassou N’Guesso en matière de médiation ou de résolution de conflits. La crise qui sévit à l’Est de la RDC ne manque donc pas d’interpeller les dirigeants du monde. L’implication de Denis Sassou N’Guesso préfigure une solution négociée par le dialogue, à l’effet d’éviter l’escalade sous fond de guerre presque déclarée entre deux pays voisins, le Rwanda et la RDC. Pour le président Denis Sassou NN’Guesso, vouloir de la paix et dialoguer n’est nullement une renonciation de la souveraineté. Loin s’en faut. Car la seule issue de tout conflit réside dans la capacité des uns et des autres à dialoguer. Mais à quel prix pour le cas de la RDC ? Il est certainement important d’examiner les aspects géopolitiques et diplomatiques qui entourent la réalité de ce pays-continent ; le positionnement des puissances étrangères qui tirent profit de l’enlisement permanent de ce pays, en conflits armés alimentés surtout par des milices qui ignorent certainement la notion et le sens d’un Etat-Nation, c’est-à-dire une Nation établie sur un territoire délimité et définie en fonction d’une identité propre et des individus qui se considèrent liés par le même destin de leur Nation. Le malheur de la RDC est d’être un scandale géologique avec ses nombreux minerais estimés en milliards de tonnes de réserves.
Pourquoi la Médiation sur la Crise entre le RDC et le Rwanda s’impose à Denis Sassou N’Guesso ?
L’ambivalence de la position de l’Union africaine et de l’ONU, voire de toute la communauté internationale oscillant entre retenue, quelques rares condamnations de l’agresseur réel le prouvent, et le rappel des principes du droit international invoquant le sacro-saint principe de respect de l’intégrité territoriale, suffiraient-ils à éviter le déclenchement d’une guerre sous régionale en Afrique du centre et dans les Grands Lacs, comme l’a évoqué récemment Denis Sassou N’Guesso, au micro de la chaîne de télévision française France 24? La vérité est que la pression internationale monte contre le Rwanda soupçonné de soutenir la milice M23 qui défie avec arrogance et violence inouïe, une armée des FARDC pourtant bien structurée. Le Président Felix Tshisekedi s’est plaint de voir son peuple être massacré par des citoyens du même pays et « en complicité avec le Rwanda qui attaque mon pays », a-t-il dénoncé. Pour les autorités congolaises (RDC), le caractère insoluble de la souveraineté de la RDC convoque la notion d’égalité souveraine établie par la Charte de l’ONU, en l’enracinant dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Vu sous cet angle, le peuple congolais est souverain et doit jouir de l’intégrité de son territoire. Et c’est pourquoi, par note diplomatique envoyée par Washington au Kenya qui dirige la Communauté de l’Afrique de l’Est et qui joue le rôle de médiateur dans cette crise congolo-rwandaise, les États-Unis avaient indiqué début février 2025 que « la stabilité dans la région des Grands Lacs nécessite le retrait immédiat des forces rwandaises et de leurs armements avancés du territoire congolais (RDC) ». La France par le truchement de son ministre des affaires étrangères, M. Jean Noël Barrot, a appelé, le 30 janvier 2025, les forces rwandaises à « quitter instamment » l’Est de la République démocratique du Congo et le groupe armé M23 à « se retirer immédiatement des territoires dont ils ont pris le contrôle. La souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC ne sont pas négociables ». La Belgique, ancienne puissance coloniale des deux pays en guerre a, le 18 février 2025, suspendu son aide au développement destinée au Rwanda et qui est estimée à 120 millions d’euros, invoquant même l’idée d’une rupture diplomatique entre les deux pays si le Rwanda ne se retirait pas ses 4000 soldats de la RDC et n’arrêtait pas son soutien au M23. Le Royaume-Uni quant à lui a suspendu la majorité de ses aides au Rwanda en raison du soutien de Kigali au M23 et ce, malgré leur partenariat « controversé » que récuse désormais Londres, au titre des frais pour la Migration et le développement économique entre les deux pays. Cet accord qui date de 2022 a été abandonné en 2024 à l’arrivée du parti travailliste au pouvoir au Royaume-Uni. Le Rwanda a déjà perçu 220 millions de livres sterling sur la base de cet accord qui prévoyait l’expulsion des immigrants illégaux en Royaume-Uni. L’Union européenne a prescrit fermement au « Rwanda de cesser de soutenir le M23 et de se retirer. Elle « condamne fermement la présence militaire du Rwanda en RDC », qui constitue un déni du droit international par ce pays. Le Rwanda était pourtant considéré comme « l’enfant chéri » de l’Union européenne. Enfin, à l’Union africaine, malgré son sommet du 17 février 2025 ayant eu à son ordre du jour la question sur la violation du territoire congolais (RDC) par le M23 soutenu par le Rwanda, « il n’y a eu ni sanction ni condamnation explicite » du Rwanda comme le réclamait la RDC, cachant ainsi un malaise ou une certaine impuissance face au conflit en RDC, même si le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine s’était montré ferme en date du 7 février 2025 vis-à-vis du M23 et son principal soutien, le Rwanda. Le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA rappelait à l’occasion, la nécessité accrue de la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu conclu le 30 juillet 2024 entre le Rwanda et la RDC sous la médiation de João Lourenço, président de l’Angola. De ces coopérations de soutien au développement dont bénéficiait le Rwanda avec les États-Unis, la Belgique, la France et le Royaume Uni, l’UE, ce pays percevait annuellement environ 1,3 milliard de dollars. Des revenus importants quand on sait que les budgets annuels du Rwanda ces dernières années sont estimés à 4 milliards de dollars.
Faut-il laisser le peuple de la RDC ramper dans l’infamie et l’horreur d’un conflit armé imposé ?
« Non » serait la réponse immédiate de Denis Sassou N’Guesso qui multiplie des rencontres sous forme de ballet diplomatique au sujet de ce conflit qui prend des proportions inquiétantes. Parmi les personnalités étrangères reçues par Denis Sassou N’Guesso qui du reste, a revêtu le tablier de ‘’chantre de la paix en Afrique’’, on note la présence de M. Wolfgang Dold, envoyé spécial et porteur du message du Chancelier allemand, Olaf Scholz. « Nous avons parlé d’un système mondial basé notamment sur le principe de l’intégrité des territoires et de leur souveraineté. Aussi, d’un plan global pour établir une grande connivence d’opinion entre nos deux pays », a -t-il déclaré alors que Mme Claire Bodonyi, ambassadrice de la France au Congo, Elle aussi reçue par le Président congolais, a reconnu que « le contexte régional [en Afrique centrale et dans les Grands Lacs] est particulier au moment où s’annonce la visite officielle du président Denis Sassou N’Guesso en France », à l’invitation de Emmanuel Macron. Le président français a toujours pensé que la coopération entre le Congo et la France, au-delà de son caractère « gagnant – gagnant » et s’appuyant sur des aspects mémoriels et enjeux climatiques, doit aussi avoir un encrage important sur la nécessaire stabilité sous régionale, allusion faite au conflit opposant la RDC au Rwanda.
Ainsi, sur ce conflit en RDC, depuis la prise de la ville de Goma et la progression du M23 « soutenu » par le Rwanda à l’intérieur de la RDC (Nord et Sud Kivu), le peuple congolais crie à une guerre d’usure et d’agression qui lui impose soit de « ramper dans l’infamie et l’horreur ou de rayonner dans la gloire » en se mettant debout, quoi qu’il en coûte, face à la menace de voir la RDC être rayée de la carte de l’Afrique. « Si je vis, je me battrai, ou il faudra, tant qu’il faudra, jusqu’à ce que l’ennemi soit défait et lavé la tâche nationale », tels sont les cris qui semblent résonner en écho, comme une clameur populaire en RDC, à l’image du cri du général De Gaule, quand en 1940, la France fut envahie et soumise au dictat de l’Allemagne. Le contexte est certes difficile pour mieux qualifier juridiquement les faits « d’agression d’un État contre un autre Etat souverain ». Pourtant l’urgence du péril non pas seulement d’un peuple en raison de nombreux morts provoqués par les ravages de ce conflit, mais aussi le constat de violation flagrante si les faits sont avérés, de l’intégrité du territoire de la RDC à partir de l’Est. Les États-Unis, la Belgique, la France et les Royaume-Uni ont qualifié ces faits « d’agression » ou de violation de l’intégrité territoriale ». L’intégrité territoriale de la RDC est violée. Le droit international prohibe par-dessus tout, toute atteinte à l’intégrité territoriale d’un Etat par la force. Ce principe évoque le droit et le devoir inaliénable d’un Etat souverain à préserver ses frontières de toute influence ou attaque extérieure. A cet effet, compté parmi les rares dirigeants africains à se préoccuper de la résolution pacifique des conflits intra ou extra étatiques, Denis Sassou N’Guesso, en patriarche et « homme de paix » comme l’a reconnu l’émissaire de Donald Trump à Brazzaville, doit accepter de mener les pourparlers entre deux États voisins qui s’accusent mutuellement d’organiser des actes de violation de leurs frontières communes par le soutien aux milices ou guerre par procuration, par des pillages de ressources minières de la RDC pour le cas du Rwanda.
Pour rappel, Denis Sassou N’Guesso est l’initiateur du Pacte panafricain de défense commune qui fut adopté en 2004 par l’Union africaine, via son Conseil de Paix et de Sécurité, comme stratégie de paix mettant au centre les questions d’indépendance, de souveraineté, de sécurité collective au cœur du jeu politique ou diplomatique. Ce Pacte prévoyait d’éviter l’effondrement des États exposés à des conflits internes ou externes. L’objectif était d’avoir des forces prépositionnées à travers une Afrique subdivisée en 5 zones opérationnelles. Celles-ci seraient en capacité d’arrêter n’importe quel conflit armé déclaré entre États du continent africain. Il en est de même des États en collapsus étatique. Ce Pacte dit « Pacte Sassou pour la Paix » est un indicateur de stabilité des peuples. Il est d’ailleurs étudié dans plusieurs universités dont Cheik Anta Diop du Sénégal, voire aussi à l’université de California aux USA, ainsi que dans de nombreuses écoles militaires africaines. Si Denis Sassou N’Guesso accepte la méditation entre la RDC et le Rwanda comme viennent de le lui réclamer unanimement les confessions religieuses de la RDC qu’il a reçues en audience à Brazzaville, il pourra se servir aussi, de l’expérience de la médiation menée en 2016, par le Facilitateur Edem Kodjo, ancien Secrétaire général de l’Organisation de l’Unité africaine ( actuelle Union africaine) qui travaillait sous son impulsion et qui réussit à l’époque à faire signer un important accord liant opposition et pouvoir autour des élections générales apaisées et consensuelles. Il en est de même de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui pourra servir d’outil ou de cadre stratégique promouvant « le développement durable des États et la sécurité humaine, ainsi que l’équilibre entre hommes et femmes, l’égalité dans le processus de gouvernance et de développement…, le rejet et la condamnation des changements anticonstitutionnels de gouvernement », des actes attentatoires à la stabilité des Etats-Nations comme la RDC et qui du reste, sont reprochés au M23 ou au Rwanda. Cette milice armée agit en toute illégalité et va à l’encontre d’un pouvoir issu des urnes, aux suffrages universels.
« Le président Denis Sassou N’Guesso a une expérience incontestable en matière de règlement des conflits. Il est actuellement la plaque tournante de la réconciliation en Libye. Il a joué un grand rôle dans le conflit en République centrafricaine. En ce qui concerne notre pays, la RDC, il a toujours été présent dans les grands moments où les Congolais se retrouvaient ensemble pour rechercher la paix. En ce qui concerne le dialogue qu’on a eu à la cité de l’OUA de Kinshasa, dès 2016, piloté par Edem Kodjo, tous les jours, ce dernier venait se ressourcer ici auprès du président Denis Sassou N’Guesso. Le chef de l’Etat congolais est une grande référence pour notre pays, la RDC. Nous sommes venus justement demander son implication pour qu’il nous accompagne dans l’exécution de cette initiative qu’il a trouvée louable, et a donné de sages conseils », s’est réjouie récemment Mgr Donatien Nshole, Secrétaire général de la CENCO, en compagnie du Révérend pasteur Erick Senga, porte-parole de l’Église du Christ au Congo (ECC), et à l’issue de leur audience auprès de Denis Sassou N’Guesso. Pour mémoire, le dialogue inter-congolais piloté à partir de 2016 par le Facilitateur Edem Kodjo avait pour objectif de mettre en œuvre un calendrier électoral précis au sujet de l’élection présidentielle qui a vu l’arrivée de Felix Tshisekedi au pouvoir, dès le 25 janvier 2019, après la première transition pacifique de l’histoire de la RDC. Felix Tshisekedi succédait ainsi à Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001.
Nécessité de rééditer l’exploit diplomatique de l’Afrique australe (1988) malgré le contexte différent et volatile pour le cas de la RDC
En réalité, depuis la fin du règne du feu président Mobutu le 17 mai 1997 au matin, suite à l’arrivée fracassante des colonnes de l’AFDL sous contrôle de Laurent Désiré Kabila devenu président de la RDC et qui fut assassiné tragiquement le 16 janvier 2001, la RDC a souvent baigné dans une instabilité politique chronique avec plusieurs tentatives de partition du pays. L’unité nationale a souvent été mise à rude épreuve et la notion d’Etat-Nation révoquée par ceux qui se nourrissent des ambitions partisanes, à cause des minerais rares que regorge le sous-sol congolais, objet de la convoitise et appétits des prédateurs qui ne sont autres que les grandes puissances. Il faut des citoyens imbus d’une réelle culture d’hommes d’Etat pour se passer d’une corruption rampante qui malheureusement fait le lit à l’érection des milices qui se créent au gré des circonstances politiques. Le patriotisme n’imposerait-il pas la nécessité d’organiser des réflexions approfondies en vue de mieux assumer le destin de la nation congolaise ? Il y a certainement nécessité d’organiser des forums pour réfléchir sur « l’histoire politique, économique et socio-culturelle de la RDC au XXIème siècle » afin d’impulser une conscience nationale, sur le « rôle de l’Etat en tant que puissance publique », sur « les élites et le peuple de la RDC », sur « le Relèvement et développement de la RDC dans le contexte d’un monde en constant changement », sur « l’intégrité territoriale de la RDC: un sacro-saint principe de souveraineté », sur « l’impact des guerres intra ou extra-étatiques dans la construction de la conscience nationale ». Telles sont les matières qui pourraient aider à la fermentation d’une réelle conscience nationale et l’idée d’Etat – Nation ou de culture républicaine.
L’intangibilité des frontières, un sacro-saint principe pour toute nation du monde. Cas de la RDC
La question de l’intangibilité des frontières des États d’Afrique et suivant les subdivisions issues de la conférence de Berlin qui réunissait 14 pays européens(colonisateurs) le 26 février 1885, est devenue un sacro-saint principe de souveraineté des pays africains, membres de l’Union Africaine, institution supranationale. L’ONU reconnaît à chaque État une assise territoriale ou zone de compétence et elle en fait un outil de contrôle et d’imposition de paix entre États dans le monde. La RDC comme l’ensemble de 55 États africains qui forment l’Union africaine, bénéficie de ce principe de maintien de frontières héritées de l’époque coloniale. Toute violation d’un seul mètre de son territoire s’assimile à une violation flagrante de l’intégrité territoriale. Ce pays de 2,6 millions de km2 de superficie est en difficulté de guerre d’agression et sa souveraineté semble menacée, à en croire les protestations, dénonciations et déclarations de plusieurs pays du monde, ainsi que les institutions continentales ou internationales. L’accélération de l’actualité qui rappelle des faits de guerre atroce auxquels se trouve confronté ce pays souverain dans sa partie Est (Nord et Sud Kivu), à cause de ses riches minerais et l’immixtion des pays étrangers, interpelle plus d’un observateur averti sur la nécessité de sauver ce peuple de 100 millions d’habitants. La RDC, malgré ses riches ressources naturelles est classée parmi les 5 pays les plus pauvres du monde et 7,3% des congolais vivaient avec moins 2,15 dollars par jour en 2024. Ce pays demeure victime de guerres injustes et d’une instabilité chronique de ses institutions surtout politiques. Plus de 6 millions de morts pour cause de conflits armés en quelques décennies et de nombreuses femmes voilées, des enfants orphelins auxquels s’ajoutent près de 3000 personnes tuées entre janvier et février 2025, lors de la prise de la capitale du Nord-kivu par le M23. La RDC est devenue le terreau où se forment au gré des circonstances, des milices souvent sans idéologie, sauf à semer la mort gratuite des paisibles citoyens. Dans la zone de l’Est de la RDC, il y a plusieurs milices comme les Maï-maï, les banyamulenge qui se sont souvent livrées des guerres sans fin, particulièrement dans la province du Sud-Kivu, obligeant les populations à fuir et aller s’installer ailleurs, en oisifs. Pour ne pas faire courir à la sous-région des Grands Lacs le risque d’implosion qui conduirait à une guerre dont les conséquences ne pourront être maîtrisées ni par ceux qui font les va-t’en guerre, ni par les prédateurs des minerais rares du sol et sous-sol de ce pays -continent qu’est la RDC, Denis Sassou N’Guesso, président du Congo, se trouve face à une évidence : accepter de mener une méditation très risquée à l’image de celle déjà menée en Libye et qui, fort heureusement, a abouti récemment à la signature d’une Charte de réconciliation nationale inter libyenne. Cette Charte scelle à nouveau l’unité de ce peuple libyen déchiré par une guerre meurtrière depuis mai 2011. Médiateur hier dans ce conflit armé qui oppose la Rdc au Rwanda, João Lourenço, président d’Angola révise sa position, considérant « qu’il était temps [pour lui] de passer le témoin à un autre chef d’Etat ». Et c’est Denis Sassou N’Guesso qui semble faire l’unanimité et l’Union africaine qui a déjà dépêché son émissaire à Brazzaville devrait le confirmer comme médiateur du conflit entre la RDC et le Rwanda. Cela renforcerait les nombreuses initiatives déjà engagées pour la même cause.
Les atouts de Denis Sassou N’Guesso pour une solution négociée dans la crise RDC-Rwanda
Au-delà du « consciencisme », philosophie prônée à l’époque par Kwame Nkrumah, un des pères des indépendances africaines qui souhaitait faire du développement de l’Afrique un élément moteur pour la prise de conscience de chaque pays africain à aller de l’avant, Denis Sassou N’Guesso pourra s’appuyer sur ses qualités de fin négociateur de la scène politique et diplomatique africaine. L’histoire commune des deux Congo (RDC et Congo Brazzaville) avec les mêmes valeurs linguistiques, culturelles, historiques (royaume Kongo) constitue un vivier ou socle important où puiser les ressorts de la sagesse africaine applicables lors de futures négociations à mener entre la RDC et le Rwanda. Cette habileté de Denis Sassou N’Guesso fut déjà remarquée lorsqu’il avait servi de référent lors de la médiation menée par Edem Kodjo en RDC, sous l’égide de l’UA et l’ONU. Il devra mettre aussi en exergue ses ressources en diplomatie d’équilibre qui lui avaient permis de faire aboutir les accords de paix de l’Afrique australe, avec le Protocole de Brazzaville, signé le 13 décembre 1988 qui avait mis fin à une longue guerre entre l’Angola, Cuba et l’Afrique du Sud. Cette victoire diplomatique avait aussi conduit à la libération du plus grand prisonnier au monde, après avoir purgé plus de 27 ans en prison sous le violent régime d’apartheid. Il s’agit de Nelson Mandela qui marquera l’histoire du monde en lettre d’or, puisqu’au sortir de la prison, et avec la fin de l’apartheid, il devint le premier président noir d’Afrique du Sud. C’est au nom de l’unité africaine, un présupposé de la puissance africaine et de sa place dans le monde que les dirigeants africains se mobilisent pour arrêter ce conflit RDC & Rwanda qui détourne l’attention sur les véritables enjeux de développement du continent africain. Il est temps d’aller vers une solidarité africaine qui puise sa force dans les traditions, les cultures. Le président congolais, M. Denis Sassou N’Guesso, devra certainement montrer qu’au-delà des mésententes ou conflits larvés entre États africains de surcroît membres de l’Union africaine, l’Afrique entend s’assumer comme une puissance de paix et d’équilibre face à un monde qui se fracture en blocs bellicistes, chacun de blocs se préoccupant que de ses intérêts personnels. Pour l’intérêt des États africains, toute volonté impérialiste et révisionniste qui mettrait en cause les frontières issues de la conférence de Berlin de 1885 serait un réel motif de recul en matière de souveraineté des États d’Afrique. Le Rwanda serait -il donc sur ce banc des accusés ? Malgré le refus de Kigali d’accepter une quelconque implication du Rwanda dans ce conflit auprès du M23, six rapports documentés de l’ONU précisent le contraire. Par exemple, le rapport onusien de décembre 2024 précisait, je cite : « La conquête de nouveaux territoires n’aurait pas pu se faire sans l’appui de la RDF (l’armée rwandaise), qui a dirigé des opérations ciblées et utilisé des armes de haute technologie ». Si sur le plan géopolitique, un accroissement significatif des crises et conflits est visible à travers le monde, superposant aux menaces de conflits généralisés entre États souverains, en Afrique, le retour des appétits expansionnistes fait craindre dans un avenir proche, des confrontations directes entre États. La récurrence des crises ou conflits met à nue la faiblesse des systèmes de gestion de crises comme le Conseil de Sécurité et de Paix de l’Union africaine.
Cette grande institution supranationale (Union africaine) regroupant 55 pays doit se doter de moyens sensés faire évoluer le pilotage stratégique de sa politique de sécurité collective en tenant des mutations qui mettent à rude épreuve les questions de souveraineté des États ou de leur intégrité territoriale. Il faut certainement réactiver de façon substantielle le Pacte panafricain de défense commune pour anticiper sur des éléments d’ordre stratégique. C’est à ce prix que toute médiation aura raison non seulement sur la seule crise militaire en RDC, mais sur l’ensemble des crises du continent africain où des guerres d’intérêts partisans sévissent et retardent le traitement des vrais problèmes liés au développement et au bien-être des populations. La Chine hier pays colonisé par la France, l’Angleterre, le Portugal et autres autour des années 1849 et dont le leadership mondial se confirme aux plans économique, militaire, aérospatiale, peut servir d’exemple pour l’Afrique qui a aussi connu l’esclavage, perdant son temps à gérer des conflits intra ou extra-étatiques. Les exemples sont légion. Cas des conflits en Libye, au Soudan, dans les Grands Lacs avec la RDC qui s’affronte avec le M23 appuyé par un pays voisin. Ce conflit congolo-rwandais, au-delà de son apparence de guerre de substitution, doit mobiliser toute l’Afrique et le monde entier. En tenant compte de la complexité des relations qui unissent ou désunissent les pays de cette zone des Grands Lacs, il ne sera pas surprenant que cette crise se transforme « en conflit de civilisations », comme le dirait le politologue MEZRI Haddad. Et le péril majeur n’est pas autant la terreur suscitée, mais le choc entre des démocraties en crise et des régimes autoritaires qui ré-émergent, entre un modèle de civilisation desséchée du fait de manque de réelle philosophie de développement et un modèle de gestion chaotique des pays basé sur le non-droit et l’arbitraire comme l’illustrent les actions macabres du M23 et bien d’autres milices qui l’ont précédé.
Merci pour l’article